Des jouets en partage

Récit imaginé par Ines Garrido, Fanny Verrax, Alexandre Massiot, et facilité par Marie-Luce Storme dans le cadre de l’atelier futurs proches réalisé le 16 décembre 2021 en partenariat avec Génération Ecologie.

Thème de l’atelier : Nous sommes le 3 novembre 2026. Depuis bientôt 5 ans, la France mène une politique décroissante planifiée, volontaire et salutaire. Et si nous imaginions le quotidien de citoyen·ne·s dans ce futur proche ? 

Photo by Hannah Rodrigo on Unsplash


Ce midi papa a beaucoup pleuré. Je n’ai pas bien compris ce qu’il disait. Maman tentait de le rassurer, je n’ai entendu que quelques mots. Immeubles, voitures, pollution, foule… Papa a l’air très triste. 
– « Anaël vient ! nous devons te parler. » 
Maman m’a appelé. Elle est mutée près de Paris dans une ville au nom étrange : Villebon sur Yvette. Il n’y a pourtant rien de bon à vivre en ville selon moi. Maman m’assure que si. Nous avons deux mois pour déménager. Tout va trop vite dans ma tête. Pourtant maman sait que je n’aime pas ça, je n’aime pas quand il y a du monde et du bruit, je suis bien ici, moi, au milieux des champs où je peux jouer avec mon chien Niki.
Tout va trop vite. Nous arrivons dans la résidence. Maman a l’air radieuse et papa surpris. Nous sortons du camion, il y a du monde partout, de la musique et des objets partout. 

L’enfant se tenait là, au milieu des aspirateurs et des appareils à raclette, l’air confus et envieux. Je ne l’avais jamais vu avant, sans doute ses parents venaient-ils de déménager dans le quartier. Il se tenait légèrement avancé, une main dans sa poche, l’autre à la bouche, dévorant du regard les multiples objets qui inondaient le trottoir. J’allais m’occuper d’une voisine quand je le vis prendre un jeu de cartes et le dissimuler dans sa poche. Tous les quartiers ont leurs pratiques. Ici, à Villebon-sur-Yvette, on met aussi en commun nos jeux. Jeux de tarot, de plateau, de deckbuilding, coopératifs ou pas, tous sont bienvenus dans notre ludothèque. L’enfant avait été leste, mais j’avais repéré The mind, un jeu d’attention et de coordination qui faisait fureur chez les grands et les petits. Je m’approchai de lui pour m’assurer qu’il avait bien compris qu’il pouvait emprunter ce qu’il voulait, mais qu’il fallait s’inscrire. En me voyant, il prit peur et essaya de se cacher. J’arrivai à le rattraper et lui offris mon plus beau sourire. J’essayai, patiemment, de lui expliquer notre système de prêt : au-delà des objets du quotidien (vêtements, vélos, assiettes, etc.), les jeux, les bandes dessinées, l’électroménager, et plus généralement tout ce dont on ne se sert que quelques fois par mois ou par an, on le met en commun. Tout le monde peut emprunter, pour une durée plus ou moins longue.
L’enfant me regardait :
– « Tu veux dire qu’il faut rendre après ? »
– « Oui, voilà, c’est ça. On s’en sert et on le rend. On peut le réemprunter plus tard si on en a besoin ».
– « Mais c’est nul ! »

Comme on le constate ici, le rôle de la perma-concierge dans cette résidence, ici à Villebon sur Yvette, est triple : garantir le bon déroulement du système d’échange, effectuer la maintenance des objets et procéder à de menues réparations, et animer la vie du quartier dont elle a la charge. Quelques voisins m’ont même dit qu’elle savait tout réparer. Ce que l’on peut observer, c’est que tous les perma-concierges reçoivent une formation spécifique de deux ans pour les aider dans leur tâche d’organisateur de la vie de quartier. De vrais couteaux suisses !
Agroécologie, low-tech, formation à la communication et à la médiation. ils ou elles connaissent tout de la vie participative, des nouvelles instances de gouvernance tant au niveau du quartier que de la commune.
C’est grâce à leur formation que les perma-concierges peuvent accompagner au mieux les résidentes et résidents quel que soit leur besoins.
C’est ainsi que dans chaque rue, chaque logement, les perma-concierges mettent en oeuvre le projet de la décroissance au quotidien : plus de liens, moins de biens.