Comment j’ai fabriqué ma réinvention

Récit imaginé par Bernard Gagnet, Emmanuelle Lebreil et Sophie Schmid, et facilité par Hélène Chesnel dans le cadre de l’atelier organisé par Imagine LA et futurs proches le 14 avril 2023.

Thème de l’atelier : Et si, en 2050, le travail était une activité épanouissante, désirée et respectueuse de chacun ?


Camille 58 ans a été sollicitée par une amie pour parler à sa fille Louna de son expérience de changement de vie en 2050, une expérience qu’elle a vécue dans la confiance et de manière apaisée. La discussion se passe au domicile de Camille, elle reçoit Louna chez elle.

« Dès l’âge de 20 ans j’ai travaillé à Derval dans une petite entreprise agroalimentaire Les bons petits plats de Derval. Vers 2030, suite aux grandes grèves ayant débouché sur de nouvelles lois en matière d’organisation du travail, nous avons réinventé l’entreprise collectivement pour la relier à notre communauté et à la nature. Dès lors, je pouvais choisir mes tâches en fonction de mes envies et de celles des autres salariés. Nous étions collectivement autonomes dans la répartition des activités et nous travaillions à notre rythme dans l’optique de garder du temps pour nous, chaque semaine et sur l’année. L’entreprise privilégiait le circuit court avec des livraisons à vélo, des tâches que nous pouvions également réaliser. On travaillait directement en forêt, en agroforesterie avec des petits élevages et cultures. J’ai passé 40 ans dans cette entreprise. Avant 2030, je voulais changer mais les changements impulsés m’ont permis de prendre des pauses professionnelles à certains moments quand j’en éprouvais le besoin. Ce qui me plaisait particulièrement c’était la convivialité au travail et le plaisir de travailler ensemble, avec et pour ma communauté : des gens que je connaissais. Je voyais le résultat direct de mon travail et en quoi il contribuait à leur bien-être. Il y avait peu de frontières entre vie pro et vie perso, je croisais les mêmes personnes dans les deux contextes car nous avions les mêmes centres d’intérêts et valeurs.

Toute cela me plaisait beaucoup mais je ressentais aussi le besoin de rencontrer de nouvelles personnes. Aussi j’ai eu la possibilité de participer à une communauté d’échanges de savoirs et, dans ce cadre, je me suis rendue à Nantes pour partager mes compétences dans le secteur agroalimentaire, en échange de compétences techniques que j’avais envie de découvrir. A cette occasion, j’ai rencontré mon compagnon actuel et j’ai décidé de m’installer à Nantes. Mes enfants étaient grands et j’avais envie de me réinventer et de changer de cadre de vie. Les métiers de l’atelier m’avaient particulièrement attirée. J’ai découvert que mes compétences pouvaient être utiles dans la conception et la fabrication de remorques dédiées au transport de produits agroalimentaires, notamment parce que j’étais en capacité de comprendre les besoins des utilisateurs. Je n’aurais pas osé me lancer seule mais j’avais un tuteur qui m’a permis de prendre confiance en moi durant les premiers mois. Ça a été une révélation et j’ai osé me lancer en donnant des cours, en devenant moi-même formatrice en agroalimentaire. J’avais plaisir à travailler dans deux univers très différents à temps partiel.

En ce moment, comme j’ai limité mes besoins avec un mode de vie simple, j’ai la possibilité de ne pas travailler les trois prochains mois. Je suis heureuse de pouvoir travailler à ce que j’aime, et quand je le souhaite. Je me suis refait un cercle d’amis à Nantes, un peu différent, et je garde de nombreux contacts à Derval. D’ailleurs, j’y reviens régulièrement pour donner des formations, et j’aime mettre en relation mes nouveaux amis et mon ancien cercle. Ma vie à Nantes est certes moins paisible qu’elle ne l’était à Derval mais elle est riche de rencontres et de convivialité et je ne changerai pour rien au monde. La réinvention de ma vie, j’aime dire que c’est à l’atelier que je l’ai fabriquée. »

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